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21/04/2011

T'as pas d'humour! Je plaisante, etc.

 

 

« Une journée où l’on n’a pas ri est une journée perdue… » écrivait le sage Voltaire. 

J’ai ri aujourd’hui, fort heureusement.
A l’heure où les nantis annoncent des pertes de 25 pourcent sur leurs richesses, où le chômage croît, ou la confiance en les banques vacille,  nous éprouvons encore et toujours le besoin vital de rire. 


Mais faire rire n’est pas simple. Le maître des comiques français, Molière a écrit : «  C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. » A son époque, elle était plus que risquée. Dans  sa pièce La Critique de l'Ecole des Femmes, un petit marquis répétait stupidement "tarte à la crème". Le duc de La Feuillade se crut visé, saisit la tête de Molière et la frotta contre les boutons tranchants de son habit, en répétant :  "Tarte à la crème, Molière, tarte à la crème !" lui mettant le visage en sang. 

 

Aujourd’hui, les comiques et humoristes de tout poil risquent au pire le bide, ou moins grave, un article désapprobateur, ou encore un billet vengeur sur un forum. Le pire des reproches sonne comme le glas : «  Je n’ai pas ri une seule fois ! » Et que dire de l’indifférence ? 


Faire rire, c’est un don.
De nombreux comiques sont des enfants qui ont subi des humiliations à l’école, qui souffrent d’un physique banal, voire disgracieux, se sont sentis décalés, et qui ont sublimé en faisant rire. Eux-mêmes sont en souffrance. Jacqueline Maillan disait : «  Quand je me regarde dans la glace, ça ne me fait pas rire. « Mais le public sans pitié s’esclaffe et applaudit dès qu’elle entre en scène. 


Prenons l’exemple d’un personnage qui subit une humiliation capitale : la chute en public. Si le spectateur  s’identifie au personnage dans un premier temps, il a peur, puis, se rendant compte que l’avanie que subit le  personnage ne lui arrive pas, à lui, il est soulagé, et il rit. 

« Le rire, c’est de la mécanique plaquée sur du vivant » a écrit Henri Bergson. 

Si un clown tombe sur une scène, le public rit. 

Le spectateur  sait que c’est fait exprès et que ce n’est pas lui qui est tombé. Il est tranquillement assis dans son fauteuil. Ca le soulage de ses soucis. Il admire la performance, le gag minutieusement réglé. 

 

La jeune génération apporte aujourd’hui une nouvelle forme d’humour, particulièrement cruelle. Elle est l’héritière du porno chic, des images crues diffusées en boucle sur nos écrans. Quand elle montre sur une scène ouverte parisienne très prisée une jeune femme blonde, incarnation de la candeur, torturée par plusieurs hommes, la tête dans une bassine réellement emplie d’eau, le public s’esclaffe sans pitié. 

Est-ce l’influence de Pierre Desproges, qui a la question «  Peut-on rire de tout ? » répondait : « Oui, mais pas avec n’importe qui. » Entre nous en tous cas, semblent dire les jeunes. 

 

Bon enfant, Dany Boon, issu de la génération des années 80, prend le parti des plus faibles, les gens du Nord, à la réputation chaleureuse, contre le snobinard francilien froid et imbu de sa personne. Il se plaint de ne pas avoir obtenu de prix, alors qu’il rafle les meilleures entrées au box office. Charlie Chaplin, Bourvil, Louis de Funes et Les Bronzés l’ont précédé. 

 

L’humour doit être universel.
Gad Elmaleh a su s’adapter à l’humour français. Lorsqu’il a débuté à Paris, il parlait arabe sur scène et racontait sa vie de jeune juif marocain en partance pour le Canada. Il débutait le spectacle en écrivant une lettre à son oncle. Surtout les juifs sépharades pouvaient s’identifier. Exit les gags trop allusifs, signe d’un humour typiquement juif, coupées les phrases en arabe,  il s’adapte à l’humour français, et en arrive même à endosser les poncifs sur le juif bling bling du Sentier. Concession ou compromission ?

 

Dans la pièce de théâtre « Chat et souris », de Ray Cooney, montée avec maestria par Jean-Luc Moreau, chef-d-oeuvre de l’humour anglais, noir, iconoclaste et absurde, le comique repose essentiellement sur la situation qui pousse  un homme , ainsi que son acolyte, à inventer les mensonges les plus gros. 

Les portes claquent, le rythme est effréné, les femmes séquestrées hurlent, la mécanique est bien huilée. 

Ma voisine y est allée, mais déçue, m’a avoué préférer l’humour sur la politique. Les Guignols de l’info connaissent un franc succès depuis 1988, et le Caveau de la République accueille toujours de jeunes chansonniers. Humour pérenne, courageux, puisqu’il égratigne les nantis.

Le style est important. Si le mari aviné apparaît dans «  Le Médecin malgré lui », de Molière, le public rit aux éclats. S’il s’agit d’un  enseignant raté face à son épouse dans la pièce  «  Qui a peur de Virginia Woolf », d’Edward Albee, interprétée par Elizabeth Taylor et Richard Burton, le public reste silencieux et atterré, tant le sujet est traité de façon noire et cynique. Dans « le Médecin malgré lui », les insultes et les coups pleuvent, la violence dans ce couple est extrême, le public rit aux éclats. La meilleure scène des Fourberies de Scapin est la scène où Géronte, vieillard avare, prend une volée de coups de bâtons, ligoté au fond d’un sac par son valet. C’est la vengeance des gens de peu.

Si les personnages sont affligés d’un défaut physique, cela ne gâte rien. Coluche était affligé d’un certain embonpoint, qu’il accentuait à l’aide de sa salopette. Coluche travaillait ses gags avec acharnement. La très regrettée et sublime  Zouc, un peu ronde,  vêtue d’une robe noire peu seyante, a l’accent suisse et distille ses gags avec un sérieux désopilant. 

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L’humour est féminin, résolument. Il suffit d’observer le nombre de pièces où des femmes sont à l’affiche. La Madeleine Proust, Anne Roumanoff, Josiane Balasko, Valérie Lemercier, Muriel Robin, Florence Foresti  sont des humoristes qui connaissent un succès pérenne. De nombreuses jeunes femmes tentent leur chance sur  les planches des cafés –théâtre  et des scènes ouvertes. Elisabeth Buffet est l’une des premières à se tailler un franc succès dans le registre de la grivoiserie. Une  femme ose la blague salace, et le public suit !

 

Si l’humour évolue avec la société, il est toujours présent quoiqu’il arrive. S’il nous était interdit de rire, nous ne serions plus en démocratie. Il nous sauve de la folie, en nous la montrant, tel un miroir à peine grossissant. A l’époque des réseaux sociaux virtuels, il reste l’un des bastions des rassemblements populaires.  Plus on est de fous, plus on rit ! Il nous aide à vivre l’instant présent. Rions chaque jour, tant qu’il en est encore temps !
copyright Isabelle Sprung

21:42 Publié dans Ecrire, Humour, Rire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rire, humour

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